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Nez-à-nez avec Bertrand Duchaufour
Quand on plonge dans la vie d’un peintre, on remarque que celle-ci est souvent marquée par différentes phases (bleue et rose pour Picasso, par exemple). Quelles ont été vos différentes étapes de création en tant que parfumeur ?
Dans ma première phase de création, la chance a beaucoup joué : j’ai travaillé sur des accords très visités de la parfumerie ancienne, mais j’ai surtout eu l'occasion de travailler avec des grandes maisons qui avaient soif d'innovation (notamment en collaborant avec le parfumeur Jean-Louis Sieuzac, qui travaillait pour Maurice Roger). Ensuite j'ai commencé à travailler pour la parfumerie de niche, en devenant plus libre, notamment avec Christian Astuguevieille et Paméla Roberts. Mine de rien, je ne maîtrisais pas encore mon style, mais cela a été l'époque de belles créations (Avignon, Séquoia, Timbuktu, Méchant Loup...). Ensuite, lorsque je suis devenu indépendant, je suis passé par une phase encore plus aléatoire, bien que plus périlleuse, où j’étais libre comme l’air. Enfin est venue la période du plein épanouissement, où j’ai multiplié tous les styles de compositions avec des structures olfactives très différentes les unes des autres. J’ai pu créer des parfums très simples avec peu de matières premières, tout comme des fragrances possédant jusqu’à cinquante ingrédients, avec une fluidité dans la création qui a augmenté avec le temps.
Quels angles utilisez-vous aujourd’hui dans la création olfactive ?
La lisibilité : je fais en sorte que le parfum soit compris à tous les niveaux par tout type de client, néophyte ou connaisseur. Aussi, je vise à créer des parfums qui soient aptes à être portés, et non seulement des odeurs. Enfin, je recherche un équilibre entre les trois règles d'or : diffusivité, originalité, rémanence.
Croyez-vous en ce qu’on appelle « accident olfactif » ?
Oui. Je crois par ailleurs que le parfumeur doit exploiter les accidents olfactifs afin de magnifier voire sublimer les discordances préalables, qui parfois sont le fruit du hasard.
Votre parfum Avignon de Comme des Garçons a marqué l’histoire de la parfumerie de niche avec son overdose d’aldéhydes. Quelle a été la raison de ce succès, à votre avis ?
Ce parfum contient plusieurs overdoses de notes, mais c’est peut-être celle de l'aldéhyde C12 MNA qui a marqué les esprits (ou les nez ?). Il s’agit du réhausseur parfait de la note d’encens oliban elle-même.
Vous avez collaboré avec plusieurs maisons de parfums, telles que Penhaligon’s, Comme des Garçons, Naomi Goodsir, The Different Company et Phuong Dang. En quoi ces expériences ont été différentes voire uniques ?
Dans chaque expérience vécue avec ces marques, j’ai dû m'adapter à chacune des personnalités représentant les maisons en question. Par exemple, les collaboration avec des artistes tels que Phuong Dang (peintre) ou Christian Astuguevieille (plasticien) ont été particulièrement fructueuses : ce sont des personnages avec une sensibilité émotionnelle très développée et un courage artistique surprenant.
Vous dîtes aimer l’intimité et le partage qui se font par l’odorat. Pourriez-vous nous en dire plus ?
J'ai une chance incroyable à ce sujet : je travaille avec des créateurs australiens, chinois, vietnamiens, anglais, italiens, espagnols, suédois, américains, allemands, russes et polonais, et c'est juste un plaisir fou de réaliser que les parfums sont un langage universel si puissant. C’est grâce au parfum que j’ai pu plonger dans l’univers si riche de l’une des fleuristes les plus expertes au monde, Saskia Havekes (australienne d’origine hollandaise), ou bien dans l’imaginaire contrasté du créateur suédois Jan Ahlgren rappelant la flore sauvage suédoise.
Au début, comment avez-vous appris à devenir parfumeur ?
On apprend d’abord à parler la « langue des parfums ». Il est très important d’avoir à la fois une approche d’autodidacte et de bien digérer le savoir-faire des maitres parfumeurs qu’on a la chance de côtoyer. C’est ainsi que l’on peut développer son propre style.
Qui a été votre mentor ? Quels sont ses plus beaux enseignements ?
Mes plus grands mentors ont été Dominique Ropion, Jean-Louis Sieuzac et Michel Almairac. Chacun a influencé ma démarche ou mon style à sa façon. L’enseignement majeur transmis par tous les trois a été l’attention portée à la qualité des matières premières.