Elle veille sur sa légèreté et fait de la parfumerie un jeu auquel elle se livre depuis ses treize ans. Emilie Copperman interprète aujourd’hui pour The Different Company, Comme des Garçons un rêve sans cesse renouvelé. Rencontre avec une créative libre et inspirée…

Quelle est votre devise?

Prendre la parfumerie avec légèreté. Le fonctionnement de ce métier fait qu’on perd beaucoup plus de projets qu’on n’en gagne. Savoir prendre les déceptions avec philosophie, et s’enthousiasmer sur les projets gagnés.

Très jeune vous avez voulu travailler dans le parfum, quel a été le déclic?

Une rencontre. J’ai eu l’opportunité de parler avec Nicolas Mamounias à l’âge de 13 ans. A l’époque, il était nez chez Rochas.  Je n’avais pas idée qu’un métier pouvait à ce point correspondre à ce que j’aimais. Le désir de devenir parfumeur ne m’a plus quitté.

Vous dites apprécier le côté émotionnel et relationnel de votre métier, c'est à dire?

Lorsqu’on parle de parfum avec quelqu’un, il va toujours y avoir une partie extrêmement personnelle. Chacun a envie de partager des ressentis, des expériences, des émotions qu’ils ont eus  avec le parfum. Beaucoup plus qu’avec n’importe quel art. Essayer de parler peinture, sculpture, musique, les gens vont être intéressés, mais si vous parlez parfums, la direction s’oriente directement dans un domaine beaucoup plus personnel, plus émotionnel. Cette atmosphère me touche et m’inspire.

Comment abordez-vous l'univers des marques (TDC, Comme des garçons) avant de créer pour elles?

J’ai une approche très facile, très libre. Tout est permis, on verra plus tard si je ne suis pas partie trop loin. J’ai une relation de confiance, d’harmonie avec ces marques. Elles  m’inspirent, et je sais que leur clientèle est avertie. Un  dialogue  se crée et me porte.

Avez-vous des réflexes ou une manière de travailler qui caractérisent vos créations? A quoi reconnaît-on votre pate?

J’aborde la parfumerie comme un jeu. J’aime bien partir d’une idée décalée, d’une histoire inattendue,  prendre le contre-pied. Après je travaille beaucoup en équipe, avec d’autres parfumeurs, avec l’évaluation, avec les marques. Il n’y a pas de mauvaises idées, c’est à moi de les réinterpréter.  Je ne saurais pas dire si j’ai une pâte. J’aime beaucoup travailler avec les bois, mais je suis fan aussi d’iris, de cuir, de Cologne, de jasmin. Au final mes créations sont très différentes, je ne suis pas sure qu’elles aient un lien olfactif.

Où trouvez-vous l'inspiration pour une nouvelle création?

Tout est source d’inspiration. Tout d’abord, mes souvenirs olfactifs sont inépuisables, ça peut aller du lassi à la rose que l’on m’offrait en Inde, au champ de frangipanier qui tombe dans la mer en Colombie, à l’encens qui brule sur la plage du Kudéta à Bali. Les matières premières aussi m’inspirent beaucoup, C’est aussi un échange avec des équipes qui connaissent mes créations, qui ont une vraie expertise sur la marque pour qui je travaille. Enfin, je suis clairement ancrée dans l’air du temps, à l’écoute des tendances, curieuse de nouveaux courants artistiques qui pourraient trouver un écho dans ce que j’aime faire.

En quoi la façon dont vous abordez votre métier a dû changer depuis vos débuts?

J’ai démarré il y a plus de 20 ans. Le métier a énormément changé pour ne pas dire qu’il n’a plus rien à voir…. Tout d’abord le nombre de lancements par an a décuplé. Les lancements sont devenus mondiaux, avec des tests consommateurs au final très contraignant. L’émergence des marques niches est pour moi la réaction du consommateur à cette abondance de produits. La recherche de fragrance avec une vraie identité, une envie de retour aux belles matières premières, une distribution plus personnalisé qui transforme l’achat de parfum en une expérience de luxe. Le travail en équipe de parfumeurs est devenu aussi beaucoup plus fréquent et enfin, l’harmonisation mondiale de nos orgues au sein d’une même société ainsi que l’informatique nous permet de travailler très facilement de Paris  sur un projet à New York, a San Paulo ou à Shanghai.

Pour qui rêveriez-vous de créer un parfum? Quel parfum rêveriez-vous de créer?

J’ai déjà pensé à quoi ressemblerait un parfum pour Daniel Day Lewis. Lui qui incarne tous ses rôles avec tellement d’intensité, comme une seconde peau. Aimerait-il un parfum différent pour chacun de ses roles ? ou au contraire, vivre avec le même parfum, comme une réassurance ? Ce qui est sûr, c’est qu’il serait très facetté et sublimement sexy….Si par hasard, vous avez son numéro…
Dans le même esprit, j’adorerais créer un parfum caméléon, qui enveloppe, accompagne et se modifie en fonction de la personne qui le porte. Le phénomène existe toujours un peu naturellement, mais j’aurais envie d’aller jusqu’au bout de l’aventure. Ou un parfum qui fait rêver…mais, ils font déjà un peu tous rêver…..