Dans votre enfance, votre grand-père animait un cabinet de curiosités. Quelle était sa particularité ? Y avait-il des objets parfumés ?

Mes ancêtres maternels étaient Présidents du Parlement de Provence de François 1er à Louis XV. Mon grand-père Hippolythe Maynier possédait dans son bureau de Saumur une grande armoire vitrée à petits carreaux gravés de symboles ésotériques et maçonniques. Sa passion pour la théorie de l’évolution le conduit à collectionner des fossiles de toutes les époques, dont l’empreinte de petits dinosaures volants très proches des oiseaux actuels. Il m’a appris la botanique, la passion pour les champignons et un grand intérêt pour les oiseaux. Autour de son cabinet de curiosités trônait un corbeau symbole du jour, une chouette pour la nuit, et un épervier suspendu au plafond avec les ailes déployées en position du Saint Esprit. Plus bas une collection d’oiseaux de mer, de mouettes, d’huitriers, de pies et de goélands empaillés. Son parfum préféré était une eau impériale de Mülhens.

Vous avez participé à la Guerre d’Indochine. Quel est votre souvenir olfactif le plus profond de cette période ?

Les odeurs qui me rappellent la période passée en Indochine sont celles de pourriture, de sauces nyoc-man mélangées d’effluves de santal et de bois brûlé.

Quelle a été l’influence de cette guerre sur vos créations ?

Arrivé à Saigon parmi 7000 hommes de troupes de toute nationalité, après une sélection je me suis retrouvé bombardé en tête de liste Officier de liaison d’un Général commandant les forces françaises au Cambodge. Une bénédiction pour moi, car ce séjour m’a permis d’explorer en profondeur l’art indien et chinois présent dans les temples d’Indochine et de reproduire ces formes à travers des petits objets en bois de fer.

En 1966, vous avez créé le flacon du parfum légendaire Eau Sauvage, conçu par le nez Edmond Roudnitska. Avez-vous un anecdote à partager concernant cette création ?

Roudnitska et René Bourdon de la maison Dior me demande en effet de m’inspirer du flacon côtelé de Moustache. On hésite pourtant sur le nom. Lorsque Marie-Christine Heftler voit la publicité dessinée par Gruau où un homme poilu sort de sa douche, elle exclame « mais c’est un sauvage ! » Eau Sauvage voit alors le jour et détrône vite son ainé Moustache.

Deux années plus tard, les frères Puig vous demandent de créer le flacon du nouveau parfum Paco Rabanne. Comment êtes-vous arrivé au flacon de Calandre ?

En effet, le jeune couturier Paco Rabanne me donna en l’occurrence un brief extrême : « un couple faisant l’amour dans une voiture. » « Une grande voiture ? » lui répondis-je « Oui, une Rolls Royce ! » De cette célèbre voiture on ne garda enfin que le calandre en métal, symbole de sa puissance.

Quel sont vos matériaux préférés dans la création de flacons ?

Le matériau indispensable pour la réalisation des flacons est incontestablement le verre et j’aime beaucoup utiliser la bakélite, l’ABS galvanisé ou le surlin.

Quelle méthodologie utilisez-vous dans la création d’un projet de flacon ? La 3D est couramment utilisée aujourd’hui ; remplacera-t-elle le coup de crayon ?

Je dessine toujours mes flacons au crayon, mais mon petit-fils Jules m’a apporté le traitement 3D sur ordinateur. Ces deux méthodes ne s’opposent pas, je pense qu’elles sont complémentaires.

Vous dîtes être toujours inspirés par l’architecture dans le dessin des flacons. Quelles sont les périodes ou les architectes qui vous inspirent le plus ?

Mon architecte préféré est Andréa Palladio de la Renaissance italienne mais j’aime beaucoup aussi l’architecte Mallet Stevens de la période art déco.

Vos livres préférés pour s’inspirés de flacons ?

Je n’ai pas de livre préféré pour m’inspirer, l’inspiration pour moi étant dans la nature.