Entrevue avec Olivier Pescheux, parfumeur. Diplomé de l’ISIPCA, Olivier part en 1990 à Bangkok pour Payan Bertrand.   En 1992, il rentre à Paris et intègre les parfums Annick Goutal. Il rejoint Kao Corporation en 1993, avant d’entrer en 1998 chez Givaudan. Il y découvre aux côtés de Jean Amic la parfumerie de prestige et parachève son expertise, affinant sa technique et travaillant ses parfums facette après facette, comme un compositeur corrigeant l’harmonie de sa partition. Il est l'un des artisans (nez) derrière la marque diptyque et compte parmi ses créations: 34 boulevard St-Germain, Vetyverio, l'Eau du 34, Eau Moheli, Eau Plurielle, etc.

Quelle est votre devise ?

« Être soi, authentique. »

Quels sont vos plus beaux souvenirs olfactifs ?

Mes plus beaux souvenirs olfactifs sont liés à l'enfance, nombreux et divers mais je ne peux oublier le choc ressenti lorsque j'ai découvert l'Eau Sauvage de Dior ! C'était incroyable, tellement bon. Je citerai aussi l'odeur du fournil de la boulangerie et les senteurs du jardin de mes grands-parents.

Dans une autre interview, vous dites que vous avez voulu devenir parfumeur après avoir vu avec votre mère le film  "Le sauvage", où dans une scène Yves Montand sent des touches de papier, prend des fleurs de tiaré? Est-ce fidèle à l’image que vous vous en étiez faites?

Pas du tout, quelle désillusion : mon bureau ne se trouve pas sur une île paradisiaque (ce qui est le cas dans le film) et Catherine Deneuve n'a jamais essayé de s'incruster chez moi :-)) Plus sérieusement, le film montre également, au delà du côté créatif et magique de ce métier, la dure réalité des affaires et des enjeux financiers. Le parfumeur joué par Yves Montand se retrouve même en prison pour ne pas avoir honoré son contrat ! Heureusement, il s'agit de fiction ...

Quel a été votre mentor comme parfumeur, votre guide et pourquoi ?

De nombreuses personnes ont compté pour moi : B. Arbellot chez Payan&Bertrand, JM. Duriez et H. Sorsana chez Kao, J. Guichard chez Givaudan ainsi que tout ceux avec qui j'ai travaillé et avec qui je travaille encore. Chacun m'a apporté, à sa manière, un peu de son savoir, des conseils sans jamais rien imposer ce qui est essentiel : il n'y a pas de règles, il faut savoir oser. Un jeune parfumeur a surtout besoin d'écoute : les choses se mettent en place doucement. Il faut donc savoir être patient ce qui est difficile à conjuguer avec la fougue des débuts !

Avant d’avoir rejoint Givaudan en 1999, vous avez séjourné à Bangkok pendant un an et demi comme coopérant pour une société grassoise (Payan & Bertrand). Vous avez aussi travaillé 4 ans chez Kao, une société japonaise. Quels sont les notes olfactives en Asie qui vous ont le plus marquées et pourquoi?

De la Thaïlande, je retiens surtout les odeurs incroyables de cette délicieuse cuisine : la coco, les épices, le parfum du riz, l'odeur si particulière du "Durian", ce gros fruit dont les Thaïs raffolent , mais également d'autres senteurs moins agréables des rues de Bangkok, la pollution... Du Japon, je garde en mémoires les parfums des temples et des jardins zen de Kyoto, l'odeur du thé "genmaicha" (thé vert mélangé à des graines de riz grillées), les gâteaux aux haricots rouges, des souvenirs encore très culinaires !

Quelles sont vos matières premières de prédilection au fil des ans jusqu’à aujourd'hui?

J'aime le patchouli, les notes vertes, les citrus, l'ylang-ylang, la rose et tellement d'autres. J'ai eu la chance de me rendre sur différents lieux de récoltes : Comores pour l'ylang-ylang, Calabre et Sicile pour les citrus, Tunisie pour la fleur d'oranger, La Provence, etc ... il est primordiale de se rendre compte sur place du travail effectué en amont. J'ai beaucoup de respect pour toutes ces personnes qui se donnent du mal pour faire exister et perdurer ces cultures essentielles à notre métier.

Que pensez vous des parfums semi sur mesure? Est ce du marketing ou une réelle possibilité?  Pourquoi? Qu’est ce qui n’a pas encore été exploré selon vous et qui pourrait être intéressant sur ce sujet?

J'aime bien cette idée de pouvoir avoir son propre parfum. Si le travail est guidé par un parfumeur qui pourra doser au mieux les matières pour sublimer telle ou telle facette, alors oui, cela permet d'explorer toute les possibilités !